Quand le silence est d’argent, la parole est d’or.
Le monde qui nous entoure est incroyablement bruyant, vous ne trouvez pas ? Tout le monde parle et tout le temps. Multitude de médias, innombrables émetteurs, nouveaux rapports aux autres remettent en cause les traditionnelles valeurs de silence et de parole. Notre vieille culture latine qui donnait à penser que se taire relevait d’une forme de sagesse, tout au moins d’une prise de recul, est bien bousculée, car, désormais, celui qui ne dit rien, ne consent rien, simplement il n’existe pas.
- D’abord, il y a une question d’espace et de temps. En réalité, les possibilités sont devenues pléthoriques sur le web, et pas seulement sur les réseaux sociaux, de prendre la parole. Elles adressent tous les moments de vie pro et perso, elles donnent accès à tous les modes d’expression, texte, son ou image, elles conjuguent tous les temps entre immédiateté et mémoire des contenus, elles permettent de s’engager, de s’amuser, de travailler, de faire des rencontres, etc. Bref, techniquement, l’opportunité nous est donnée de parler partout, sur tout et tout le temps.
- Ensuite, il y a la question de l’émetteur et du récepteur. Autrement dit, du qui parle à qui. Et la réponse est, bien sûr : tout le monde à tout le monde. Mais en réalité c’est un peu plus subtil : la foule des anonymes a rejoint les experts, les référents et les sachants. Les marques sont devenues des médias. La presse favorise la contribution et les réseaux sociaux flirtent avec la presse. Consommateur, citoyen, opinion publique, expert, salarié, père ou mère de famille (et, au passage peut-être, membre du club de judo ou de l’association de quartier), chacun de nous, schizophrène, est un émetteur-récepteur à multiples facettes, qui parle, écoute et participe à cette/ces gigantesque(s) conversation(s).
- Enfin, il y a la question de la nature de nos relations. Je veux parler, évidemment, de ces rapports directs où le consommateur échange avec la marque, le citoyen interpelle le politique et le patron dialogue avec le salarié, mais surtout de ce besoin ou de cette envie de prendre la parole, autrement dit, d’être visible aux yeux des autres. Alors on informe, on relaie, on partage, on aime, on commente, on affirme, on s’insurge, on défend, on soutient, on est d’accord ou on n’est pas d’accord, … toutes les occasions sont bonnes. On parle en permanence. On existe.
Bien sûr, c’est enthousiasmant autant de tribunes, d’échanges, d’idées bouillonnantes, de confrontations de points de vue. Mais c’est aussi autant de conditions à un bruit de fond permanent qui touche également les médias traditionnels, et impacte, au-delà, toutes les formes de prise de parole car elles se construisent à l’aune de leur possible reprise sur Internet.
Au final, force est de constater qu’on ne s’entend plus. Alors pour émerger, la surenchère est bien tentante : beaucoup de répétitions, pas mal de commentaires creux, quelques provocations, des contenus qu’on ne vérifie pas… ajoutent le doute à la cacophonie. Les élections présidentielles – aux Etats-Unis comme en France – ont exacerbé ces phénomènes, mais ils existaient avant. La prise de parole devient défensive. Démentir, contrer, se justifier constituent ses nouveaux défis.
La prise de parole est ainsi dotée d’une posture nouvelle et d’une responsabilité plus importante : la nécessité d’être et l’impératif d’être juste. Car notre parole nous engage. Nous devons veiller à nos mots, donner du sens et de la valeur à nos interventions. Et, que l’on soit citoyen, entreprise, consommateur ou expert, attacher une attention particulière à ce que notre parole reste d’or.