Indigestion de bienveillance

I

J’entends beaucoup de marques, d’entreprises ou d’organisations au sens large, expliquer combien elles placent l’humain au cœur de leur stratégie, au cœur de leur offre, au cœur de leurs préoccupations, de leur développement ou de leur politique innovation. On est gavé de bienveillance, truffé de bonheur au travail, tout dégoulinant de bien-être. Un vrai repas de Noël, « Vous reprendrez bien encore un peu d’écoute ou quelques bons sentiments ? Non, merci, vraiment, ce ne serait pas raisonnable ! » On en frôlerait l’indigestion.

Je vois deux raisons à cette débauche de « Human Oriented ».

  • La première tient peut-être de la psychologie de comptoir, mais j’attends qu’on m’explique le contraire : il fallait, bien sûr, réagir et agir en apportant une réponse globale à un vrai mal-être (stress, pression, burn out ou et parfois suicide) cumulé à une perte de sens et de repères dans notre monde en mutation. Alors, on remet l’humain au cœur comme pour dire « non, mais en vrai, l’humain c’est beaucoup plus important que les chiffres », se rappelant au passage qu’un salarié en bonne santé est bien plus productif.
  • La deuxième raison est liée à la transformation technologique. Celle qui a notamment rendu la relation virtuelle et l’intelligence artificielle. Et on a beau dire, la technologie séduit autant qu’elle effraie. En communicant sur l’importance de l’humain, les organisations veulent probablement dire « soyez rassurés, chez nous, l’homme est plus important que la machine » là où tout le monde pense « je risque de perdre mon job ».

Loin de moi l’idée de critiquer le bien-fondé de la posture, ni de juger de la sincérité du discours. En revanche, je doute souvent de sa performance. Peut-être qu’à force de répétitions, on finira par y croire, mais peut-être aussi, qu’il faudrait s’y prendre différemment.

Ok pour remettre l’humain au centre, mais quel centre ? Quel périmètre pour l’humain ? Si la valeur humaine a si peu pesé face à la valeur économique, si l’intelligence humaine est désormais challengée, on ne peut pas se contenter de dire que l’humain est au centre. Il faut décrire (longuement, précisément) la place qu’on lui donne, il faut expliquer (preuve à l’appui) l’engagement que l’on prend de le positionner correctement, de lui assurer une place solide.

Remettre l’humain au centre, c’est par exemple solliciter son intelligence différemment : plus de créativité, plus de curiosité, plus de discernement.

Remettre l’humain au centre, c’est probablement s’accorder sur des valeurs morales et les animer.

Remettre l’humain au centre, c’est enfin donner du sens à l’action en veillant à ce que les hommes et les femmes de l’entreprise soient autant force de proposition que transmetteurs.

Bref, la question n’est pas de promettre que l’humain est ou sera au centre, devant ou au-dessus mais de conférer à sa place du contenu de valeur et de la stabilité. Et non, on n’y est pas encore.

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Par Cecilia Vendramini

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Cecilia Vendramini

Cecilia Vendramini, Ma Parole, est consultante, formatrice et enseignante. Elle intervient sur le management de la prise de parole, les communications délicates (com de crise, conduite du changement), l’éthique et la communication. Cecilia bénéficie d'un long parcours en relations publics et communication, plutôt - mais pas seulement - orienté grands comptes.

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